Il ya quelques jours, Tunis a été désignée la capitale de la femme arabe pour la période 2009-2011. Désormais, la femme tunisienne représente un cas presque unique dans le monde arabo-musulman, elle a réalisé tous ses rêves de citoyenneté et de législation avec l’appui totale du gouvernement. De nombreuses normes juridiques ont été revues. Néanmoins on se demande très souvent comment vit-elle cette liberté dans sa vie quotidienne et sexuelle?
Je me trouve dans une des artères principales de Tunis, avenue Habib Bourguiba et je vois défiler toutes ses femmes: celle avec le ‘hijab’ le voile, celle en mini jupe, celle en tailleur qui sort des plus importantes banques de Tunis, celle qui est habillée à la dernière mode, celle qui attend dans sa voiture la sortie de ses enfants de l’école et puis l’agent de police qui fait circuler les voitures. Aux yeux d’un occidental, ça pourrait être un paysage parfait de la société arabo-musulmane. Mais derrière ces visages, quel est le vrai combat de ses femmes dans le quotidien? Quels sont leurs concessions, leurs compromis?
De loin je vois apparaitre ma collègue archéologue de profession, nous nous asseyions dans un café, en attendant les autres collègues pour une réunion en vue du prochain numéro d’une revue dédiée à la femme. Lobna a 37 ans, statut: non mariée, une femme qui vit en toute liberté sa sexualité, elle vit en concubinage depuis deux ans avec son compagnon.
Voilà Mouna, voilée, mariée, deux enfants, elle a accepté après beaucoup de pression familiale, un mariage combiné, elle travaille comme secrétaire à l’université. La retardataire c’est Sarra, est chercheur, elle a fait un mariage d’amour avec un compromis social à la base, un secret partagé avec les copines. Une intervention faite avant le mariage, l’illusion d’une pureté nécessaire seulement pour faire croire à un homme d’être le premier. Mille euros pour la reconstruction de l’hymen en respectant faussement les traditions ancestrales. Le thème du jour c’est le corps et la femme tunisienne. Tandis que nous commençons à discuter, Mouna dit: «Je suis vraiment choqué par la façon dont les femmes sont entrain de vendre leur corps», Sarra avec un décolleté de star de cinéma réponds: «Dans quel sens? Je ne comprends pas, il n’y a aucun mal à voir de plus en plus de filles avec le string qui sort de leurs jeans».
J’interviens en disant: «Un peu de calme les filles, nous ne sommes pas là pour condamner personne! Nous sommes là pour faire un résumé de comment la femme tunisienne vit cette liberté? Rappelez-vous que ‘‘la liberté est acquise d’abord dans la tête, puis dans l’expression et enfin dans les actions’’ comme dit l’écrivain libanaise Joumana Haddad. Nous sommes dans la deuxième phase, il nous manque la dernière phase. Tant que nous acceptons les compromis sociaux nous ne pourrions pas passer aux actions». Loubna m’arrête en disant: «Non ma chère, c’est toi qui est assise entre deux chaises et donc nulle part, entre les deux phases dont tu parles, moi je suis déjà à la troisième, j’ai fait mon choix et je l’assume entièrement, comme femme libre de tous liens religieux et sociaux ». Tandis que nous parlons, un couple composé d’un italien de 60 ans et une jeune fille de 20 ans passe. Mouna dit: «Voilà un autre phénomène de notre société! L’italien à la recherche d’affaires qui a une double vie entre l’Italie et la Tunisie et choisit une jeune fille à ses cotés. C’est vraiment dégoutant! Voilà c’est le prototype même de nos femmes qui vendent leurs corps! Oussakh eddenia ‘‘ l’ordure de ce bas monde’’.
Les filles, d’un signe approbateur, semblent accepter ce que dit Mouna, j’interviens alors en disant: «Réveillez-vous les filles! Ce n’est quand même pas un phénomène unique au monde! J’en ai vu de couples mariés pour de l’argent». Sarra réplique: «Meriem voyons, combien de filles de 20 ans sont entrain de se marier avec des italiens de 50 et 60 ans. Ne me dis pas que tu ne condamne pas cette nouvelle tendance sociale?». «Mais bien sûr que je la condamne. Néanmoins je la trouve assez compréhensible, l’italien qui rêve de la jeunesse éternelle et de l’exotisme, la tunisienne d’origine très modeste qui recherche l’argent et la mondanité. Chacun trouve son compte».
Loubna ajoute: «Mais Meriem c’est tellement évident qu’on parle désormais du mythe de l’esthéticienne et de l’homme d’affaires italien » «Je suis tout à fait d’accord, mais je ne suis pas préoccupée par ces aspects sociaux passagers, tant par ce qui se passe dans la tête de la femme tunisienne, qui décide de revenir en arrière en renonçant à sa liberté acquise, comme les nouvelles femmes voilées ou bien par celle qui oublient leurs principes sociaux, ou bien celle qui effacent leur passé sexuel de peur d’ être condamné? Où est-ce que nous allons? Et qu’en est-il de ce corps dont personne ne parle? Je ne cache pas mon angoisse la plus grand envers les plus jeunes qui ne se rendent pas compte de la chance qu’elles ont par rapport à leurs voisines du Maghreb et du monde arabe. Elles usent et abusent de la liberté? »
Nos discours et nos polémiques se poursuivent jusqu’au coucher du soleil, sous le signe du défoulement, du rire et des disputes. A la recherche d’une réponse, que nous n’arrivons pas à trouver dans l’immédiat, sans doute dans quelques années, comme les italiennes, les françaises, en vue d’un mai 68, pour libérer nos corps et parler de notre sexualité de façon naturelle et sans tabous.